Donner un sens à sa vie... la clé pour vivre pleinement ?
Et s’il fallait avoir une raison de vivre pour être (vraiment) heureux ? C'est la thèse défendue par Viktor Frankl, psychiatre viennois contemporain de Freud qui a fondé la logothérapie. En partie inspirée de son vécu dans les camps de concentration, cette thérapie propose à chacun de trouver sa propre mission sur terre. En orientant la vie vers des idéaux profonds, vous trouverez sens et plénitude à vivre. Connaissez-vous, Viktor Frankl ? C'est un psychiatre et philosophe autrichien né en 1905 et mort en 1997. Il a eu une vie de thérapeute marquée par l'expérience des camps de concentration. Il est moins célèbre que son compatriote Sigmund Freud. Et pourtant Frankl a apporté une pierre fondamentale à la psychothérapie. Tout au long de sa vie, il a mis au point une thérapie fascinante, la logothérapie. Il l'a mis au point afin de venir en aide à ses patients névrosés ou déprimés.
Son idée centrale rejoint ce que vous pressentez ou cherchez plus ou moins consciemment. Pour s'épanouir pleinement, l’homme doit chercher et trouver le sens profond de son existence. Ce sens, logos en grec, est un vrai moteur qui donne goût à la vie et peut même guérir bien des maux. C'est la thérapie par le sens, ou "logothérapie".
Dès le début de sa vie, Frankl se découvre une mission de thérapeute et se sent attiré par le soin des autres et la médecine. Il grandit à Vienne et dès l'âge de 16 ans, il entame une correspondance avec Sigmund Freud. Quelques années plus tard, il touche à son but et devient docteur, spécialiste en neurologie. Passionné de psychologie et de psychiatrie, il donne des conférences sur la quête du sens de la vie. Et c’est en 1926, qu’il utilise, pour la première fois en public, le terme de "logothérapie".
Mais, la Seconde Guerre mondiale va bouleverser son existence. Parce qu'il est juif, il est déporté avec sa jeune épouse et ses parents. A Auschwitz où il est transporté, où son manuscrit lui est confisqué. Ce manuscrit contenait ses pensées et les grandes lignes de sa théorie. Dans ce camp de la mort, le désir de revoir les siens et de poursuivre ses travaux lui permettent de tenir le coup. Il vérifie au coeur même de l’enfer l’importance, pour chaque être humain, de donner un sens à sa vie. "Face à l’absurde, les plus fragiles avaient développé une vie intérieure qui leur laissait une place pour garder l'espoir et questionner le sens", écrit-il.
A sa libération par les Américains, il apprend la mort de toute sa famille. Mais en dépit de l’affaiblissement physique et du désespoir, il se consacre fébrilement à ses recherches. Il publie rapidement "Un psychologue fait l’expérience du camp de concentration", qui sera suivi de plus d’une trentaine d’ouvrages. Il devient directeur de la polyclinique neurologique de Vienne où il met en pratique, encore et toujours, sa thérapie par le sens.
Pourquoi le vide existentiel est source d'angoisse et de dépresssion ?
Au cours de ses recherches et consultations, Viktor Frankl constate que ses patients souffrent avant tout d’un grand vide existentiel. "Le vide existentiel peut prendre plusieurs aspects, explique-t-il. La recherche d’un sens à la vie est parfois remplacée par la recherche du pouvoir, incluant sa forme la plus primitive, soit le désir de gagner toujours plus d’argent. Dans d’autres cas, c’est la recherche du plaisir qui y est substituée." ("Découvrir un sens à sa vie").
Désoeuvrés, éloignés de leurs véritables désirs, l'homme sombrerait peu à peu dans une forme de dépression. Ainsi, certains affichant une image d’apparente réussite, seraient également en proie au mal-être. Cela arrive car ils auraient couru après l’argent plutôt qu’après le sens profond de leur existence. Comme dans la chanson "Le blues du businessman" de Daniel Balavoine, où un homme d’affaires au sommet de sa gloire avoue son désespoir. Il aurait aimé devenir l'artiste qu’il rêvait profondément d’être.
Comment la quête de sens redonne le goût de vivre ?
Viktor Frankl en est convaincu. C'est en cherchant ce sens profond de leur vie que ses patients retrouveront progressivement volonté et joie de vivre. "Lorsqu’on trouve un sens aux événements de sa vie, la souffrance diminue et la santé mentale s’améliore", écrit-il.
Il appartient donc à chacun de prendre le temps de découvrir ses idéaux profonds. "Ai-je envie de fonder une famille? De devenir infirmière ou enseignant ? De donner de mon temps aux personnes sans-abris ?". En apportant, en toute honnêteté, des réponses à ces questions et en se donnant les moyens de les mettre en pratique, que vous atteignez une certaine forme de paix intérieure. Selon le médecin, il est d’ailleurs tout à fait normal de se poser des questions existentielles. Le rôle du thérapeute et de la logothérapie est alors d’aider la personne à trouver les réponses. Même si parfois, elles sont enfouies au plus profond de son inconscient.
En dépit des obstacles, l'Homme reste maître de sa destinée.
Contrairement à certains de ses confrères, Frankel ne considère pas que les êtres humains sont essentiellement motivés par leurs désirs ou par leurs instincts. Ils ne sont, selon lui, pas non plus prisonniers d’un quelconque contexte social. Il les invite donc à prendre en main leur vie et leur destin dont ils sont les uniques responsables.
Par conséquent, inutile de s’apitoyer sur son sort, il faut se donner les moyens d’avancer vers ses objectifs. Si vous ne pouvez rien changer au passé ni réparer certaines de vos erreurs, il est toujours possible de continuer à avancer. L’avenir vous appartient.
Ainsi, il est toujours possible de recommencer, de prendre les devants et de changer le cours de votre vie. "Si j’ai échoué à un examen, si je ne me plais pas dans ma carrière". Plutôt que de blâmer la terre entière ou de perdre du temps à culpabiliser, mieux vaut s’y remettre tout de suite. Sinon, la personne peut étudier l’ensemble des options qui s’offrent à lui.
A chacun, sa mission sur terre
L’un des points clés du raisonnement de Viktor Frankl est le suivant : chacun a, sur terre, une tâche à accomplir et, en cela, il est irremplaçable. C'est ainsi qu'il avait redonné la force de vivre à un savant rencontré en camp de concentration. En pointant du doigt l’oeuvre qu’il était en train d’accomplir. Qui d’autre que lui pouvait la parachever ?
Il raconte que, durant ses longs mois de captivité, son désir de terminer le manuscrit exposant sa théorie et confisqué par les nazis, l’a grandement soutenu dans son combat pour rester en vie. Puisqu’il était le seul à pouvoir en venir à bout, il se devait de lutter pour sa vie.
Au fond, dit-il, chaque personne a un besoin d'accomplir une mission librement choisie afin d’accomplir ses talents spécifiques. Par ailleurs, le fait de se sentir utile est toujours source de satisfaction. C'est pourquoi nombreux sont ceux à sortir de leur propre souffrance en s'engageant dans le bénévolat. Solange est une femme endeuillée par la mort de son compagnon. Elle a ainsi repris goût à la vie en cuisinant pour les personnes démunies au sein d'une association.
Aimer et se consacrer aux autres : une piste pour trouver le sens de la vie
Dans cette quête de sens, Frankl ouvre des piste. Ainsi, l'amour ou la qualité de vos relations aux autres est une piste majeure pour (re)donner sens à votre vie. Il suffit parfois de la diriger vers une autre personne que soi-même ou vers quelque chose d’autre. En vous consacrant à une personne aimée ou à une cause, vous vous humanisez, vous vous réalisez en tant que personne humaine. Et c’est en vous dépassant que vous trouverez le sens de votre vie.
Viktor Frankl raconte qu’une femme ayant renoncé à un avenir professionnel séduisant pour s’occuper de son enfant malade avait trouvé le réconfort. Elle a réalisé qu’elle venait de choisir l’amour plutôt que de céder aux sirènes du pouvoir et de l’argent.
Par ailleurs, une des clés du bonheur serait, toujours selon Viktor Frankl, de pouvoir accepter une situation à laquelle vous ne pouvez rien changer. Pour y arriver, il vous est toujours possible d’avoir recours à votre sens de l’humour. Autant rire, autant que possible, de ce qui est fait et sur lequel vous n’avez de toute manière aucune prise.
Vivre sa vie en alignement avec ses rêves
La première qui a répondu à notre appel est Anlor, 33 ans. Six ans plus tôt, alors qu’elle préparait l’agreg’ d’anglais, elle comment à se poser des questions sur ses choix. “J’avais peur de m’engager dans une voie qui ne me ressemblait pas”. Amoureuse de la danse depuis sa plus tendre enfance, elle n’avait jamais envisagé en faire sa carrière. Sa famille ne jurait que par “les longues études”. Mais, selon ses dires : “J’ai donc continué mais, première bifurcation, pour devenir administratrice culturelle. Et là, dès que j’ai commencé à bosser, j’ai repris des cours de danse. D’abord une fois par semaine, puis tous les soirs !”Finalement, la jeune femme décide de démissionner, malgré les reproches de sa mère qui ne cesse de lui rappeler qu’elle rêvait mieux pour elle. “J’ai passé une audition pour intégrer une école de danse où j’étais la plus « vieille » ! C’était dur physiquement, mon corps est moins malléable, mais relever le défi de décrocher mon diplôme d’Etat de prof de danse me passionnait”, raconte-t-elle enthousiaste.